27 octobre, 2008

Les impasses de la politique pénale

Un résumé fort intéressant pour les non-avertis. Article de très bonne qualité :)

Le ministère de la justice annonce une réforme importante : celle du code pénal et du code de procédure pénale. Tous deux ont un même défaut : ils sont devenus incompréhensibles et incohérents. Trop de lois tuent la Loi, alors que le gouvernement veut la rendre davantage dissuasive vis-à-vis des délinquants. La réforme répond aussi aux inquiétudes exprimées depuis plusieurs années par les policiers, les magistrats et les avocats. Les enquêtes sont à tout moment menacées de s'effondrer pour des vices de forme. L'exercice des droits de la défense devient une gageure.


En pleine explosion carcérale, cette communication ministérielle a paru décalée. Car la chancellerie a omis de dire que sa politique pénale est la principale responsable de la situation. Dans une folle accélération législative, les gouvernements ont, depuis 2002, précipité le système judiciaire dans d'insupportables tensions : procureurs sous pression, tribunaux correctionnels engorgés, prisons surpeuplées.

Depuis la loi d'orientation sur la sécurité intérieure d'août 2002, et en comptant les textes sur l'immigration, qui comportaient un volet répressif, vingt lois nouvelles traitant de la matière pénale ont été adoptées. Les citoyens semblent pris dans une "extension sans fin du filet pénal", a ainsi résumé l'avocat honoraire Jean Danet. Ses caractéristiques sont connues. Les juges disposent d'une palette toujours plus large de peines, de la sanction-réparation pour les enfants de 10 ans, jusqu'à la rétention de sûreté à vie pour les criminels dangereux déjà condamnés. La société s'engage dans un renoncement progressif au droit à l'oubli, avec le développement des fichiers. En France, le tournant répressif pris après les attentats terroristes du 11-Septembre a d'abord été plus mesuré qu'aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Mais il s'est doublé de l'instrumentalisation, par Nicolas Sarkozy, de la justice pénale à des fins politiques. Sur ce point, la campagne d'opinion a démarré en 2003, sur le thème de la récidive. Puis la bataille présidentielle, ancrée à droite dans l'objectif de ramener vers le parti majoritaire les électeurs du Front national, a fait des récidivistes, mineurs ou adultes, des ennemis à combattre d'urgence.

Toute la communication du ministère de la justice se concentre depuis lors sur deux messages simples, inlassablement répétés : la lutte contre la récidive, la protection des victimes. "Toute l'institution judiciaire est activée dans ce but, explique le président d'un tribunal. Les procureurs généraux ont, cette rentrée, convoqué leurs procureurs avec un seul objectif : la lutte contre la récidive, dont il s'agit, après la phase législative, d'assurer la mise en œuvre technique." Dans cette deuxième phase, aux résultats encore incertains, la communication ministérielle se heurte à de premières contradictions. En juin 2007, les procureurs ont reçu ordre de recourir "systématiquement à la présentation immédiate des mineurs devant la justice et de ne pas hésiter à interjeter appel lorsque leurs réquisitions de placement en détention provisoire ne seront pas suivies". En juillet, la loi a permis de mieux exécuter les peines prononcées par les juges.

En octobre, face à l'émotion provoquée par le suicide d'un prisonnier de 16 ans à Metz, ces orientations ont été remises en cause publiquement. La garde des sceaux, Rachida Dati, a évoqué une décision injuste. Le substitut du procureur qui a mis à exécution la peine de l'adolescent raconte comment il a dû rendre des comptes à sa hiérarchie : "J'ai été reçu par cinq inspecteurs généraux, seul, dans une salle impressionnante, entre minuit moins le quart et minuit trente et interrogé sur mes fonctions, l'organisation du parquet de Sarreguemines, et la manière dont j'avais pris ma décision. (Celle-ci) est le genre de décision que tout parquetier prend de façon quotidienne à la permanence (...). Je n'ai fait que mon travail. Je suis rentré à Sarreguemines vers 1 h 30 du matin, sonné par la façon dont les choses s'étaient passées et reconvoqué pour le lendemain à 9 h 30." La chancellerie voudrait décourager le ministère public qu'elle ne s'y prendrait pas autrement. "D'un côté, on nous invite constamment à plus de sévérité, et de l'autre, dès que les effets de cette politique se font sentir, on tente de les adoucir", s'agace-t-on à la Conférence des procureurs.

PEINES MINIMALES SYSTÉMATIQUES

"La fermeté n'exclut pas l'humanité", assure Mme Dati. Mais le cap, en réalité, est bien gardé. Les peines planchers, que le gouvernement a rendues applicables aux moins de 18 ans, vont contribuer à remplir les prisons. A la rentrée, la chancellerie a donné pour instruction à tous les procureurs de faire appel des jugements écartant la peine minimale. Cinq procureurs généraux ont été convoqués parce que leurs tribunaux ne présentaient pas de statistiques satisfaisantes. Depuis 2005, le gouvernement a toujours pris soin de communiquer sur le fait que les peines minimales ne sont pas des peines automatiques comme dans le système américain puisque le juge, indépendant, peut encore y déroger dans des cas précis. Dans les faits, l'exécutif exige leur application systématique.

Les conséquences de cette politique ne pourront plus très longtemps être surmontées par la communication ministérielle sans risque. Dans les audiences des tribunaux correctionnels, elle se traduit par un renoncement aux principes de justice. Dans les prisons, elle aboutit à la perte de dignité des personnes, à la montée de la violence et à la progression des suicides, en raison de la surpopulation. Toutes choses condamnables par la Cour européenne des droits de l'homme.

Comme la tension devient trop forte dans l'opinion, Mme Dati remet sur le devant de la scène les politiques d'aménagement des peines (libérations sous condition, bracelet électronique, etc.). Ces politiques ont un réel fondement criminologique : un condamné accompagné pour exécuter sa sanction dans la société récidive moins. Mais elles restent périphériques et ne compenseront pas les effets délétères de l'inflation pénale. Les personnels pénitentiaires voient bien que la réalité court plus vite que l'ouverture de nouvelles places ou les nouvelles mesures en faveur de la réinsertion.

Quand l'impasse sera trop manifeste, le gouvernement devra trouver une échappatoire. Les magistrats savent que cette troisième phase sera celle de la mise en cause de leur responsabilité individuelle. M. Sarkozy avait mis ce chantier sous le boisseau. Les déboires de Mme Dati peuvent laisser penser qu'il va resurgir plus vite que prévu.

Nathalie Guibert (Service Europe-France)


Voilà, j'espère que vous comprenez maintenant que tout le droit est en train de se faire ravaler la figure en ce moment. Parfois, c'est nécessaire, parfois c'est fait comme de la merde (cf. révision constitutionnelle de juillet 2008)

14 octobre, 2008

The G.A.J.A. effect



Private joke ou blague juridique, z'avez compris le système hein...

10 octobre, 2008

Le socialisme petit-bourgeois

L’aristocratie féodale n’est pas la seule classe qu’ait ruinée la bourgeoisie, et dont les conditions d’existence s’étiolent et dépérissent dans la société bourgeoise moderne. Les petits bourgeois et les petits paysans du Moyen Age étaient les précurseurs de la bourgeoisie moderne. Dans les pays où l’industrie et le commerce sont moins développés, cette classe continue à végéter à côté de la bourgeoisie florissante.

Dans les pays où s’épanouit la civilisation moderne, il s’est formé une nouvelle classe de petits bourgeois qui oscille entre le prolétariat et la bourgeoisie ; fraction complémentaire de la bourgeoisie, elle se reconstitue sans cesse ; mais, par suite de la concurrence, les individus qui la composent se trouvent sans cesse précipités dans le prolétariat, et, qui plus est, avec le développement progressif de la grande industrie, ils voient approcher l’heure où ils disparaîtront totalement en tant que fraction autonome de la société moderne et seront remplacés dans le commerce, la manufacture et l’agriculture par des contremaîtres et des domestiques.

Dans les pays comme la France, où les paysans forment bien plus de la moitié de la population, il est naturel que des écrivains qui prenaient fait et cause pour le prolétariat contre la bourgeoisie aient appliqué à leur critique du régime bourgeois des critères petits-bourgeois et paysans et qu’ils aient pris parti pour les ouvriers du point de vue de la petite bourgeoisie. Ainsi, se forma le socialisme petit-bourgeois. Sismondi est le chef de cette littérature, non seulement en France, mais aussi en Angleterre.

Ce socialisme analysa avec beaucoup de sagacité les contradictions inhérentes au régime de la production moderne. Il mit à nu les hypocrites apologies des économistes. Il démontra d’une façon irréfutable les effets meurtriers du machinisme et de la division du travail, la concentration des capitaux et de la propriété foncière, la surproduction, les crises, la fatale décadence des petits bourgeois et des paysans, la misère du prolétariat, l’anarchie dans la production, la criante disproportion dans la distribution des richesses, la guerre d’extermination industrielle des nations entre elles, la dissolution des vieilles mœurs, des vieilles relations familiales, des vieilles nationalités.

Dans sa partie positive, ce socialisme entend rétablir les anciens moyens de production et d’échange, et, avec eux, l’ancien régime de propriété et toute l’ancienne société, ou il entend faire entrer de force les moyens modernes de production et d’échange dans le cadre étroit de l’ancien régime de propriété qu'ils ont brisé, et fatalement brisé. Dans l’un et l’autre cas, ce socialisme est à la fois réactionnaire et utopique. Pour la manufacture, le régime corporatif ; pour l’agriculture, le régime patriarcal : voilà son dernier mot.

Au dernier terme de son évolution, cette école est tombée dans le lâche marasme des lendemains d’ivresse.

K. MARX, Manifeste du parti communiste